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L’éphémère

Tes mots me sont rentrés dedans comme un coup de poing. Ça m’a estomaquée pis ça m’a fait peur surtout de la douleur que je sentais pas encore mais qui devait ben s’en venir. Tu m’as laissée comme ça avec leur écho qui n’avait aucun sens. J’ai attendu la douleur mais elle n’est pas venue. J’étais prête pourtant, j’avais mis ma mite pour parer les coups mais rien.

C’est dommage quand on y pense parce que la douleur au moins c’est un ressentiment pis c’est pas mal ce que je peux me permettre qui se rapproche le plus d’un sentiment depuis que j’ai laissé mon coeur sur la table d’un marché aux puces glauque dans un village où personne va jamais. Depuis je sais plus comment parler l’amour. Je ne sais plus les mots ni pourquoi les dire. J’ai oublié.

C’était une autre vie où ça me chavirait à l’envers pour de vrai de les penser ou de les entendre. Astheur, ils font un bruit sourd dans ma carcasse, puis ils se répercutent contre elle de moins en moins fort comme le rebondissement d’une balle de tennis projetée par une machine, qui s’atténue lentement parce qu’il n’y a personne pour prendre le service. Je sens les oscillations mécanique dans mon ventre pis je crois me souvenir que c’est pas là que je devrais les sentir mais c’est comme ça maintenant je ressens les choses avec mon estomac c’est pas pour rien que je mange autant.

Ça a l’air triste mais c’est pas si pire au fond t’sais j’ai pu peur de la mort ni de la vie parce que je sais que ça rime à rien de toute façon je suis devenue nihiliste. Nihil c’est du latin pis je l’aime ce mot-là ça veut dire rien mais ça veut pas rien dire genre s’il y a bien quelque chose qui existe mais pas en même temps pis que tout le monde ressent c’est le vide pis moi j’aime ça les oxymores ça me réconcilie avec ma propre absurdité.

J’aimerais ça te dire que t’es pas tout seul à avoir peur mais la vérité c’est qu’au fin fond de moi ça fait un bout que j’ai accepté que je changerai pas le passé les blessures les regrets la tragédie humaine qu’on répète d’un bout à l’autre de nos pertes de mémoire quand on s’imagine que personne s’est jamais remis d’une peine d’amour. L’affaire c’est qu’on s’en remet mais que ça brise le rêve naïf qu’on continue de propager pour faire semblant qu’on le sait pas que l’amour c’est rien qu’une question de survie de l’espèce. Moi je pense que l’espèce s’en sort assez mal sans que j’y rajoute mon grain de sel alors j’ai pu peur de la mort ni de la vie ni de toi ni de moi qui nous mélangeons dans un tableau éphémère que personne regardera jamais.

Quand je dis que j’ai peur au fond c’est parce qu’il me vient des coups dans le ventre, mais c’est juste des soubresauts de mon ancienne vie quand je croyais encore qu’y a pas juste le vide qui existe mais pas en même temps. J’en ai ressenti des affaires pas possibles pis j’en ai bu debout des histoires jusqu’à me noyer dedans quand la dernière page était tournée pis que les larmes me remplissaient la solitude. Jusqu’à ce que j’en pogne une avec un point final pas de suite de deuxième tome d’adaptation possible erien nada caput final bâton the end. Je suis restée bête une coupe d’années pis c’est après ça que j’ai échangé mon coeur contre une vieille chaise berçante. Je sais pas je me suis dit que c’était probablement pas plus utile mais qu’au moins il y avait de la poésie dans sa désuétude. Je me couche dedans des fois en pensant à l’absurdité de nos deux existences à elle pis moi.

Des fois je réussis à me faire croire que j’ai peur pour vrai pis je ressens quelque chose comme de l’appréhension mais euphorique ça doit avoir un nom c’te feeling-là c’est comme rien mais je l’ai oublié lui avec pis là je me dis d’un coup que la douleur rentre ben comme faut assez pour que je ressente de quoi pour vrai que ça réveille ce que j’ai d’éteint pis que j’oublie moi aussi que la vie n’a pas de sens parce qu’elle en a pas c’est vrai je te le jure mais juste depuis que j’ai oublié ce que ça veut dire je t’aime.

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